02. décembre 2020

Formation en sécurité : ISP, GCSP et RNS signent une convention de coopération

L’ISP s’est attaché la coopération du Centre de politique de sécurité de Genève (GCSP) et du Réseau national de sécurité (RNS) afin d’organiser les futures formations continues en matière de sécurité publique. Voilà une étape majeure de franchie en vue d’un renforcement des liens entre organes nationaux de sécurité. Fin octobre, les parties contractantes ont signé dans ce but une convention de coopération, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2021.

Partout dans le monde, les acteurs de la sécurité sont confrontés à de nouveaux défis, dans des sociétés de plus en plus globalisées et urbanisées. Face à une palette de menaces de plus en plus vaste, dans un contexte technologique qui évolue à un rythme effréné, il est essentiel d’en comprendre les enjeux dans leur globalité et d’agir en réseau. Il est plus impératif que jamais de se former en permanence afin de demeurer à la hauteur des attentes. La Suisse n’échappe pas à cette évolution. 

En conséquence, il appartient aux acteurs sécuritaires de ce pays d’étendre leur regard et de comprendre la sécurité au-delà de leur horizon quotidien. En effet, la sécurité est multidimensionnelle, elle se décline selon des risques présentant de multiples facettes, évolutifs dans l’espace et dans le temps.

Grâce à cette nouvelle collaboration, les cadres supérieurs de police pourront renforcer leurs compétences – déjà excellentes – et leur vaste expérience en matière de questions de sécurité, en incluant des éléments cruciaux de l’approche globale et interdisciplinaire. C’est ce que relève Stefan Blättler, président du Conseil de fondation de l’ISP : « Il est crucial de tout savoir sur la conduite et les modes de fonctionnement de notre pays en cas de crise afin de comprendre les interactions entre les divers organes de gestion de crise des secteurs publics et privés ». L’objectif est d’outiller les cadres pour qu’ils augmentent leur efficacité dans l’appréciation des problèmes et des situations et les préparer à remplir in fine des fonctions décisionnelles au sein de leurs institutions. 

M. Blättler est convaincu que cette convention apportera une « pierre essentielle à l’édifice sécuritaire ». Selon lui, toute gestion de crise passe impérativement par une préparation bien en amont : « Il nous faut parvenir à mettre en place une organisation de crise bien rodée, qui rallie tous les niveaux et structures fédérales, et qui adopte une vision neutre des missions de sécurité. Il s’agit d’étendre la mise en réseau permanente des organisations chargées des situations de crise. »

Le directeur du GCSP, Christian Dussey, se félicite du fait que cette nouvelle coopération renforcera la mise en réseau des divers partenaires : « Cette collaboration va favoriser un flux de contacts, des échanges accrus, de même que l’accès à des compétences et des connaissances précieuses pour le GCSP. » Quant au délégué du RNS, André Duvillard, il se dit convaincu que les questions sécuritaires de notre époque doivent être abordées dans un esprit d’interdisciplinarité : « Les cadres supérieurs du Réseau national de sécurité doivent mieux connaître le rôle et les compétences des différentes organisations qui le composent. »

Par ailleurs, le nouvel accord prévoit la création d’un comité stratégique d’experts, qui sera chargé de développer les programmes en continu. Ce comité sera composé des représentants suivants :

  • Stefan Aegerter, vice-directeur et chef du domaine Formation et Perfectionnement ;
  • Roland Favre, divisionnaire, officier supérieur d’état-major du DDPS délégué auprès du GCSP ;
  • André Duvillard, délégué au RNS.

 

Messieurs Stefan Blättler, Christian Dussey et André Duvillard se sont pliés au jeu de l’interview et ont répondu à une série de questions concernant ce nouvel accord de coopération :

Questions au président du Conseil de fondation de l’ISP (Stefan Blättler)

Qu’attendez-vous de ces cours de formation continue destinés aux cadres supérieurs des polices de Suisse ?

Nos cadres supérieurs de police possèdent d’excellentes qualifications et de nombreuses années d’expérience sur le terrain. Marqué par une diffusion des responsabilités et des compétences, le système fédéraliste suisse est toutefois complexe et certaines de ses structures sont compliquées. L’offre de formation continue du Centre de politique de sécurité de Genève vient élargir l’approche globale et pluridisciplinaire des enjeux sécuritaires en Suisse en y incluant des éléments importants. Il est crucial de tout savoir sur la conduite et les modes de fonctionnement de notre pays en cas de crise afin de comprendre les interactions entre les divers organes de gestion de crise des secteurs publics et privés. Les corps de police bénéficieront, à leur tour, de l’approfondissement de leurs connaissances.

Quels objectifs concrets poursuivez-vous à travers cet accord et qu’attendez-vous de la part du GCSP ?

Il est plus important que jamais de constituer et d’approfondir l’éventail des connaissances, compétences et réseaux dans ce domaine. Nous espérons évidemment que les personnes qui suivront ces cours à l’avenir sauront profiter non seulement des échanges entre participant·e·s, mais aussi de la présence de formateurs et formatrices de haute volée. Il leur faudra être capables de renforcer leur efficacité à appréhender les problèmes et à évaluer les situations, tout en se préparant à occuper éventuellement des postes de décisionnaires au sein de leurs institutions. Nous espérons parallèlement, pour ce qui est de la transmission du savoir, que les nouveautés concernant les formes d’apprentissage et d’enseignement intéressent également l’ISP et que nous pourrons apprendre les uns des autres. Là encore, face à une crise, il est important de bien connaître ses interlocuteurs.

Quels sont, de votre point de vue, les enjeux majeurs en matière de politique de sécurité que devra affronter la Suisse dans la décennie à venir et en quoi un tel projet de collaboration et les formations proposées peuvent contribuer à renforcer la résilience de notre pays en matière de sécurité intérieure face à la diversification des menaces ?

La gestion de crise commence bien avant que celle-ci n’éclate. La préparation est donc décisive. Quelles sont les forces structurelles – mais aussi les opportunités et les faiblesses – de la gestion des risques et des crises en Suisse ? Comment réduire globalement les lacunes dans la préparation et la gestion des crises ? Il nous faut parvenir à mettre en place une organisation de crise bien rodée, qui rallie tous les niveaux et structures fédérales, et qui adopte une vision neutre des missions de sécurité. Il s’agit d’étendre la mise en réseau permanente des organisations chargées des situations de crise. Je suis convaincu que cette coopération apportera une « pierre essentielle à l’édifice sécuritaire ». Le « produit sécuritaire » mérite que nous développions nos liens aussi en matière de formation et de perfectionnement.

Questions au directeur du GCSP (Christian Dussey)

Centre de formation international dédié aux questions de sécurité, le GCSP est aussi une plateforme de dialogue sur les grands thèmes contemporains de la sécurité internationale. Dans ce contexte, pourquoi offrir ces cursus de formation destinés aux cadres supérieurs de la sécurité intérieure en Suisse ? Est-ce la vocation du GCSP de devenir un acteur en matière de formation continue dans notre pays ?

Le GCSP a été créé en 1995 à l’initiative de l’ancien Conseiller fédéral Adolf Ogi. Contribution de la Suisse à la paix et à la sécurité, le Centre fournit depuis 25 ans aux décideurs du monde entier les outils nécessaires pour mieux appréhender et gérer la complexité des affaires stratégiques et internationales. À l’origine du GCSP figurait un cours de formation mémorable baptisé « SIPOLEX ». Créé immédiatement après le Sommet de Genève de 1985, qui marqua la première rencontre entre le président des États-Unis Ronald Reagan et le secrétaire général de l’Union soviétique Mikhaïl Gorbatchev, ce programme de formation de 8 mois avait pour objectif de développer rapidement les compétences du DMF (actuel DDPS) et du DFAE dans les domaines du désarmement et de la sécurité internationale. Il est donc naturel que le GCSP revienne aux sources et renforce sa collaboration avec les acteurs de la sécurité en Suisse. La multiplication des incertitudes et la vulnérabilité de la société face aux chocs actuels et potentiels (pandémies, cyberattaques, attentats terroristes, etc.) nous obligent en effet à renforcer rapidement notre capacité nationale d’anticipation, d’adaptation et de résilience. 

Qu’attendez-vous de ces cursus de formation ? Quel est le public cible que vous souhaitez atteindre ?

Il s’agit en premier lieu de sortir des « silos ». En Suisse, les préoccupations sécuritaires ne sont pas l’apanage des collectivités publiques et des organisations et acteurs qui en ressortent. Le secteur privé assume des tâches importantes en matière de sécurité, parfois méconnues, souvent sous-estimées, et pourtant essentielles à la cohérence de la mosaïque sécuritaire du pays. Destinées aux cadres supérieurs, ces formations offrent à chacune et à chacun la possibilité de parfaire ses connaissances, mais également d’étendre son réseau personnel de relations, dans un pays où les acteurs sécuritaires se connaissent et se parlent encore trop peu.

Quelle valeur ajoutée cette convention de collaboration avec l’Institut Suisse de Police va-t-elle apporter au GCSP en général, et à ces cursus de formation en particulier ?

En premier lieu, cette convention va créer un lien direct avec un acteur majeur de la sécurité intérieure du pays, la police. Elle va favoriser un flux de contacts, des échanges accrus, de même que l’accès à des compétences et des connaissances précieuses pour le GCSP. Cela va permettre également au GCSP de mieux se faire connaître à l’intérieur du pays, notamment en Suisse alémanique, et de s’y implanter par l’organisation de certains événements ou de modules entiers de cours. Ce partenariat enrichira nos cursus de formation, tout en garantissant une représentation variée des polices au niveau de la participation. 

Questions au délégué de la Confédération et des cantons au Réseau national de sécurité (André Duvillard)

Alors même que l’offre en matière de formation dans le domaine de la sécurité en Suisse est déjà fournie, pourquoi avoir développé ce nouveau cursus de formation ? À quel besoin répond-il ?

Il est vrai que les différentes organisations sécuritaires offrent une large palette de formations, que ce soit au niveau technique, tactique ou encore dans le domaine de la gestion d’événements particuliers. Mais les enjeux sécuritaires actuels nécessitent qu’ils soient appréhendés en réseau, ce qui implique que les cadres supérieurs du Réseau national de sécurité connaissent le rôle et les compétences des différentes organisations qui le composent. Le meilleur moyen d’atteindre cet objectif est évidemment de réunir ce type de formation sous un seul toit afin que l’approche holistique se concrétise non seulement pour ce qui est du contenu de la formation, mais aussi entre les participantes et participants.

Selon votre appréciation, les lacunes constatées et la nécessité d’agir résultent-elles en premier lieu d’un manque de formation ou plutôt d’un défaut de mise en réseau de l’ensemble des acteurs contribuant à la sécurité intérieure de ce pays ?

De mon point de vue, les lacunes constatées résultent avant tout d’un défaut de mise en réseau. Alors que de nombreux pays ont adopté une telle approche, la Suisse a longtemps privilégié des modules « en silos ». Cela est certainement lié à nos structures fédéralistes et à la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons. Le concept de Réseau national de sécurité a été concrétisé dans le cadre du Rapport de politique de sécurité 2010 et il y avait presque une certaine logique à ce qu’il prenne vie également dans le domaine de la formation, même si cela ne s’est fait que neuf ans plus tard.

De quels atouts dispose le GCSP pour contribuer à l’efficience du Réseau national de sécurité ? Quels accents pourrait-il porter à l’avenir afin de mieux exploiter encore ces atouts au profit de la sécurité intérieure de ce pays ?

Le GCSP a été créé il y a 25 ans sur initiative de la Confédération et il organise des formations dans le domaine de la politique internationale de paix et de sécurité. Il amène par conséquent une vision des enjeux qui dépassent les frontières de notre pays. Ces aspects sont également importants lorsque nous nous penchons sur les défis en matière de sécurité intérieure. Je dirais même qu’ils sont complémentaires. La crise que nous traversons actuellement en est le meilleur exemple. La limite entre sécurité intérieure et extérieure est devenue, dans un monde globalisé, extrêmement ténue. Aussi, la collaboration formalisée entre ces trois entités que sont le GCSP, le RNS et l’ISP illustrent parfaitement l’approche que nous devons avoir pour relever les défis sécuritaires de notre époque.

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